Un professeur des écoles met en place une correspondance scolaire
Vous êtes en poste dans une classe de cycle 3, c’est le milieu de l’année scolaire.
Lors de séances en Langue Vivante (anglais) vous avez initié depuis la rentrée une correspondance par messagerie électronique avec des élèves d’une classe située en Angleterre
Vous avez trouvé les coordonnées de la classe-partenaire en vous aidant des ressources conseillées par le site primlangues (enseignement des langues dans le premier degré), à cette page : http://www.primlangues.education.fr/international/correspondre-cooperer/dispositifs-en-ligne-de-recherche-de-partenaires et qui vous ont conduit sur le site etwinning (http://www.etwinning.net/fr/pub/index.htm).
Pour mener à bien ce travail pédagogique, vous avez ouvert vous-même une boite aux lettres de courrier électronique pour chacun de vos élèves, en utilisant le service gratuit et français de www.yahoo.fr et en adoptant la convention de nommage suivante : nom_prenom_numero@yahoo.fr
Lors du premier échange avec la classe correspondante, vous avez réalisé (en guise d’illustration à votre message) un photomontage de la façade de votre école grâce à un logiciel de retouche d’image en modifiant certains éléments architecturaux (fenêtres de la façade remplacée par des écrans d’ordinateurs d’où s’envolent des « @ »).
Dans d’autres échanges, les élèves ont joint à leur courriel : un enregistrement sonore où ils se présentent individuellement en Anglais, une photo individuelle, un dessin très complet de présentation de leur famille et un texte expliquant où ils habitent sous forme d’un plan de leur quartier.
Or en ce milieu d’année scolaire, vous recevez un courriel de votre hiérarchie (IEN) vous informant qu’un parent d’élève de votre classe estime que vous avez enfreint la loi et qu’il a déposé une plainte contre vous. Le parent d’élève est en copie du message.
Vous décidez de réagir rapidement en répondant à votre IEN que ce parent d’élève se trompe et qu’il n’a rien compris à l’intention pédagogique de votre démarche. Vous employez même dans votre réponse des propos peu élogieux portant sur l’intégrité physique et intellectuelle de ce parent d’élève, bien connu dans l’école pour s’opposer et contester les choix pédagogiques des enseignants.
Vous êtes aussitôt convoqué(e) par votre hiérarchie qui vous explique qu’une (ou plusieurs) plainte(s) pourrai(en)t être légitimement déposées à votre encontre. Vous êtes abasourdi(e) !
Les questions à se poser :
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L’enseignant peut-il créer une boite aux lettres @yahoo.fr nominative pour chacun de ses élèves dans le cadre scolaire ?
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L’enseignant peut-il contraindre ses élèves à diffuser les productions réalisées en classe à leurs correspondants ?
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L’enseignant peut-il réaliser le photomontage de la façade de l’école ?
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La réponse de l’enseignant est-elle appropriée ?
Questions | Réponses |
Un enseignant peut-il créer une boite aux lettres @yahoo.fr nominative pour chacun de ses élèves dans le cadre scolaire ? |
Techniquement et légalement il est possible d’utiliser les services de Yahoo. Mais ce n’est pas souhaitable en consultant les CGU on peut lire : « Yahoo est susceptible d’accéder, de conserver et de divulguer vos informations et votre Contenu ». D’autre part la création d’un compte ouvre l’accès aux différents services de Yahoo alors même qu’il est précisé que certains services (réseaux sociaux par exemple) sont interdits aux moins de 13 ans. De plus, de la publicité apparaît dans le webmail ce qui va à l’encontre de l’obligation de neutralité. Enfin, le siège social de Yahoo se situe en Irlande il échappe donc à la juridiction française en particulier en matière de confidentialité des données. La création d’un compte est personnelle et ne peut se réaliser par procuration. On peut assimiler la création d’un compte « à la place » / « au nom de » comme une usurpation d’identité. L’enseignant pourrait néanmoins demander aux élèves, lors d’une séance en salle informatique, de créer leur boite aux lettres. Mais dans ce cas il doit recueillir l’autorisation des représentants légaux des élèves. Dans ces conditions il est possible de créer dans l’établissement une adresse « professionnelle » pour chaque élève soit via un ENT académique, soit sur le site laposte.net suivant l‘accord cadre signé avec le Ministère. Cependant il faut savoir qu’une boite aux lettres est personnelle, les données qu’elle contient sont d’ordre privé donc l’enseignant ne peut y avoir accès. Il paraît donc préférable dans ce cas de créer une boîte collective pour la classe sous un nom générique qui servira à l’ensemble des élèves. |
L’enseignant peut-il contraindre ses élèves à diffuser les productions réalisées en classe à leurs correspondants ? |
La notion de vie privée est floue sur le plan juridique. Pour autant, la divulgation d’éléments de vie privée comme ceux présents dans la situation nécessite l’autorisation des personnes concernées. Les productions des élèves bénéficient de la protection du droit d’auteur. Leur diffusion aux correspondants implique l’autorisation de l’auteur par le biais de ses représentants légaux. |
L’enseignant peut-il réaliser le photomontage de la façade de l’école ? |
Deux cas de figure peuvent se présenter mais pour chacun d’eux la question morale de l’intégrité de l’œuvre se pose car il y a transformation :
D’autre part la photographie peut être l’œuvre d’un photographe qui doit lui aussi donner son autorisation. |
La réponse de l’enseignant est-elle appropriée ? |
La réponse de l’enseignant constitue un délit contre le parent, au sens de l’article 29 de Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse . « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure » Les propos malencontreux de l’enseignant peuvent aussi donner lieu à une sanction administrative car il est tenu au droit de réserve qui précise : « Tout agent public doit faire preuve de réserve et de mesure dans l’expression écrite et orale de ses opinions personnelles. » |